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déc 02 2013

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La cuisinière d’Himmler : une vie dans le siècle dernier

On se forge souvent, sans même en avoir conscience, une opinion plutôt fermée sur un journaliste. Et pour moi, Franz-Olivier Giesbert était seulement un éditorialiste politique, dont j’aime bien l’esprit d’ailleurs. Quand j’ai acheté La Cuisinière d’Himmler, c’était donc plus par curiosité et aussi par gout pour ces romans historiques proches de l’épopée picaresque.

Et ce fut une bonne surprise.

Rose est une vieille dame qui vit à Marseille. A 105 ans, elle tient son restaurant, la passion de sa vie, et décide d’écrire sa vie. Et sa vie n’a pas été une sinécure, même si elle garde le moral, tout en équilibrant sa vie entre rire et vengeance.

La liste de ses haines, qu’elle commence quand les Sunnites massacrent sa Arménienne, elle va l’agrandir peu à peu, au fur et à mesure qu’elle fuit et survit, depuis le « petit harem » où elle est recueilli et exploitée jusqu’à Barcelone, où elle sera gamine de rue pour un truand, avant l’adoption chez les Lempereur, qui lui donneront le gout de la cuisine et enfin l’amour parental. Répit de quelques années, ses parents adoptifs décèdent et ce sont de véritables Thénardier qui la remplacent. Mais elle rencontre l’amour et se marie pour fonder une à Paris.

Elle a vécu beaucoup, accompagnée de sa petite salamandre Théo qui l’accompagne partout dans sa petite boite, mais le destin et l’ la rattrapent. Elle qui s’accommodait de la montée de l’antisémitisme, le prend en plein visage quand ses enfants et son époux sont dénoncés puis arrêtés lors de la rafle du Vel’Hiv puis déportés. Elle rencontre alors Himmler, qui est entré dans son restaurant après un défilé sur les Champs Élysée. Et elle lui a tapé dans l’œil. Elle le rejoint à sa demande en Allemagne, en tant que cuisinière et un peu plus… avec l’espoir qu’il l’aidera à retrouver les siens.

Ses aventures ne s’arrêtent pas à son séjour à Berlin : Rose traverse les épreuves et croise d’autres personnages comme Felix Ferste, le masseur d’Himmler qui lui faisait signer des papiers annulant des déportations, elle croise un Hitler végétarien et monstrueux, mais croisera aussi, ensuite, après la libération, Sarte et Simone de Beauvoir, qui l’accompagnent en Chine communiste… Là elle rencontre son nouvel amour, qui sera battu à mort par les gardes rouges lors de la Révolution culturelle… Elle passera aussi par les États-Unis.

Comme sa petite Salamandre (qui finira par la quitter), nous accompagnons Rose dans l’épopée de sa vie, de ses rencontres. F-O Giesbert la porte avec talent et passe sans cesse de la grande histoire via les personnages historiques qu’elle croise et le quotidien d’une vie riche en rebondissements. Ses portraits des personnages qu’elle croisent sont riches et sans concession, tout en restant très humain. On verserait presque une larme pour le nazi tourmenté par son travail et la personnalité de son Führer.
Rose n’est pas idéaliste ni exempt de défaut : elle vit, elle ressent et , offre et s’offre souvent, mais toujours avec humour et tendresse.
Sauf quand on lui a fait mal. Sa « liste de mes haine » l’accompagnent et elle ne l’oublie pas pour se venger, se elle mais aussi venger les siens.

 

« Je ne supporte pas les gens qui se plaignent. Or, il n’y a que ça, sur cette terre. C’est pourquoi j’ai un problème avec les gens. Dans le passé, j’aurais eu maintes occasions de me lamenter sur mon sort mais j’ai toujours résisté à ce qui a transformé le monde en grand pleurnichoir.
Jusqu’à mon dernier souffle et même encore après, je ne croirai qu’aux forces de l’amour, du rire et de la vengeance. Ce sont elles qui ont mené mes pas pendant plus d’un siècle, au milieu des malheurs et, franchement, je n’ai jamais eu à le regretter. »

 

Ce n’est pas véritablement un roman historique, mais, comme le héros du livre de Jonas Jonasson (Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, qui m’avait beaucoup plu et dont j’ai parlé un peu ici), Rose traverse et survit certains épisodes du siècle qu’elle nous fait partager par son existence. Les personnages historiques qu’elle croisent y apparaissent plus humains, avec leurs travers et leurs faiblesses, et le regard de Rose. Elle nous fait partager ses émotions et ses désirs, avec plaisir et larmes.

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