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août 30 2012

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Jonas Jonasson : Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

Quelques minutes avant le début des festivités organisées pour fêter son centenaire dans l’hospice où il vit maintenant, Allan Karsson enjambe la fenêtre de sa chambre et part à l’, sans trop d’idées préconçues sur ce qu’il va faire ni sur sa destination…

Ainsi débute le roman de Jonas Jonasson, road movie picaresque suédois…

Road movie suédois

À proprement parler, ce n’est pas vraiment un roman « picaresque » puisque le récit est à la troisième personne, mais bon, l’esprit picaresque est quand même bien présent dans e road movie.
À presque 100 ans, Alan n’en est pas à sa première aventure, et rien ne lui fait peur : depuis sa naissance, il se laisse porter par les événements et les compagnons qu’il croise, sans trop se poser de questions mais en restant toujours stoic et accroché à l’essentiel : une bonne bouteille et un bon repas. Dès le début de son « évasion », il va rencontrer à nouveau l’aventure, et se faire de nouveaux amis qui l’accompagneront dans son escapade : un vieux kleptomane, un vendeur de saucisses surdiplômé, une éléphante et sa sympathique maîtresse, sans compter l’inspecteur de police et les membres de la pègre qui sont à ses trousses car il a eu la bonne idée de piquer dans une gare une valise bourrée de quelques millions de couronnes suédoises…

Petit extrait

Au milieu du roman, on en est à peu près là :

Benny hocha la tête et promit de répondre sincèrement à toutes les questions que son frère jugerait bon de lui poser.
– Alors, allons-y, dit Bosse. L’argent qui se trouve dans cette boîte a-t-i été gagné honnêtement ?
– Absolument pas, dit Benny.
– La police est-elle à vos trousses ?
– Probablement, et les gangsters aussi, dit Benny. Surtout les gangsters, en fait,
– Qu’est-il arrivé à ce car ? Il est complètement defoncé à l’avant.
– Nous sommes rentrés de plein fouet dans la voiture de l’un des gangsters.
– il est mort ?
– Non, malheureusement pas. Il est couché dans le car. Il a un traumatisme crânien, plusieurs côtés cassées, une fracture au bras droit et une plaie assez importante à la cuisse droite. Son état est grave mais stabilisé, comme on dit.
– Vous l’avez amené ici ?
– Eh oui !
– Il y a autre chose que je devrais savoir ?
– Oui, peut-être faut-il que je te dise que nous avons tué deux autres gangsters en route, des copains de celui qui est à l’intérieur du car et qui est à moitié mort seulement. Ils s’entêtent tous à essayer de récupérer les cinquante millions de couronnes qui sont tombés entrée nos mains par hasard.
– Cinquante millions ?
– Cinquante millions. Moins l’achat du car que tu vois là.
– Pourquoi est-ce que vous voyagez en car ?
– Parce que nous transportons un éléphant.
– Un éléphant ?
– D’Asie.
– Un éléphant ?
– Un éléphant.
Bosse fit une pause avant de demander :
– L’éléphant aussi a été volé ?
– Non, je ne dirais pas ça.
Bosse fit encore une pause. Puis il dit :
– Poulet grillé et pommes de terre sautées pour le dîner. Ça vous va ?
– Ce sera parfait, dit Benny.
– Tu aurais quelque chose à boire, aussi ? demanda une voix très âgée venant de l’intérieur de l’autocar.

… Allan garde le sens de l’essentiel. Et la petite troupe de pieds nicklés qui l’accompagne aussi.

Mais la petite épopée de ces compagnons n’est qu’un aspect du bouquin.

Candide du XXeme siècle

Chaque personnage qu’Allan croise est haut en couleurs, et a sa propre aventure, sa propre existence que l’auteur nous raconte un chapitre sur deux dans des digressions qui sont autant de récits aussi drôles qu’épiques.
Sans compter les aventures d’Allan lui-même.

Car du haut de ses presque 100 ans, il en a vécu, des aventures, à travers le monde entier! Et il a croisé du beau monde : après un passage en Espagne où il aidera autant les Républicains que Franco, c’est auprès d’Oppenheimer et du président Truman que le conduiront ses aventures, au sein du projet Manhattan… puis ce sera l’URSS de Staline, la Chine de Mao, l’Afghanistan, la Corée, Paris, de Gaulle, Bali, le goulag, Einstein (enfin, son frère!)… (dans le désordre!).
Allan en boit, des coups, et réponds aux sollicitations des grands de ce monde sans jamais céder à leur folie, et en gardant sur l’existence et l’actualité politique dans laquelle il est régulièrement plongé (la guerre froide, etc.) bien malgré lui un regard candide et frais. Sa franchise lui fait souvent frôler la mort ou les pires catastrophe mais il s’en sort toujours.

Vous souvenez-vous du de Robert Zemeckis : Forrest Gump, avec Tom Hanks? Et bien Allan, c’est un peu ça : un Forrest non pas des États-Unis des années soixante comme dans le film mais de la seconde moitié du siècle. La politique, les mésaventures de son père avec le tsar et son copain « Fab » qui lui avait pourtant envoyé une espèce d’oeuf sans valeur (pas pourtour le monde…) lui ont appris très jeune à s’en méfier, et il préfère porter un jugement et prendre une décision en fonction de la qualité de l’accueil qu’on lui réserve, et de la qualité du repas et de la boisson qu’on lui offre. Très sollicité pour la connaissance d’un gros secret qu’il a à peine conscience de posséder, il peut alors se permettre de leur répondre des façon sereine et sans idées préconçues. Qu’on lui soit reconnaissant ou qu’on l’envoie en prison ensuite n’a finalement que peu d’importance, l’essentiel étant qu’il ait un bon lit, un bon repas et… une bonne bouteille. Mais je l’ai déjà dit :-).

Plaisir de lire

Les aventures d’Allan et de ses compagnons nous font réviser un peu l’ mais toujours dans la bonne humeur et le sourire. On passe régulièrement du récit de la cavale des compagnons en Suède aux des uns et des autres qui nous conduisent à travers le monde entier et à différentes époques avec jubilation, chaque lieu et chaque époque étant un festival d’aventures et d’explosions, le vieux Allan et ses compagnons retombant toujours miraculeusement sur leurs vieilles pattes.

Jonas Jonasson nous offre ainsi un vrai d’humour noir et décalé, parfois déjanté mais toujours très frais qui se lit presque d’une traite malgré l’explosion de lieux et de rebondissements qui ne cessent d’intervenir. On passe d’une époque à l’autre, d’un personnage à l’autre, d’un récit à l’autre sans jamais se perdre malgres la richesse des surprises qu’apporte chaque nouveau chapitre.

Et on referme trop vite ce livre en regrettant de ne pas avoir croisé un jour ses héros, dont on se sent presque pote. Il y a aussi beaucoup d’optimisme dans ces aventures, une joie tranquille de vivre qui habite chaque personnage. Et il me faut remercier ici mon ami Tarik pour me l’avoir conseillé. C’est pour cela que j’ai voulu le notifier dans mon blog et que je l’ai aussi conseillé à , comme à vous (enfin, toi, lecteur).
Sabine a bien aimé, mais n’hésitez pas à laisser votre avis également bien sûr !

[notice]Jonas Jonasson : Le Vieux qui ne voulait pas fêter son . (Hundraåringen som klev ut génome fönstret och försvann). – 2009. – Paris, Presses de la Cité, 2011 pour la traduction française. – Pocket, N°14857. – 508 p. In-8°. ISBN 978-2-266-21852-8.[/notice]

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5 Commentaires

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  1. Tarko

    Aucun mérite Mat, ce bouquin est tellement bon qu’il aurait fini par te tomber entre les mains. Et c’est vrai que le rapprochement avec Candide est inévitable. J’ai pensé aussi à Little big man plutôt que Forrest Gump (pb de génération ?). En restant à l’affut de telles lectures qui devraient être, comme on dit, remboursée par la CPAM.

  2. Matt

    Je suis en train de lire « Le grand Cœur », de Jean-Christophe Rufin, chez Gallimard NRF. Très bien…

  3. Marie la Belge

    Ajouté à ma wishlist !
    A rapprocher du film de David Lynch, « Une histoire vraie », non ?

  4. Jacques

    Comme il s’agit d’une traduction j’avais un à priori, maiscelui-ci a été balayé à la vitesse grand V. Ce roman est vivant, rythmé explosif… C’est à la fois un roman policier et un livre d’aventures, la petite histoire en collision avec la grande… L’humour tendrement décapant ! Tout est possible ! Un livre déconcertant et surprenant !

  5. Mat

    Complètement d’accord avec toi…
    J’aime bien ces romans justement, à la fois « historiques » et romanesques…
    Dans un autre registre, il y a aussi Fortune de France, où Merle nous entraine dans les guerres de religion à travers les yeux de ses héros. On apprend beaucoup d’ailleurs.

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